jeudi 8 août 2013

Dans la tête d'une bouteille à la mer



Extraits d’une pièce de théâtre  La Bouteille sous la mer

 

ACTE I

Décor : Fond de la mer. Sur le sable, une petite plaine entre des cailloux et bordée d’algues. L’eau est bleu turquoise.

SCENE 1

Une étoile de mer orange surgit en chantonnant. Elle aperçoit une bouteille en verre à demi enfoncée dans la vase. 

L’ETOILE DE MER : Tiens tiens… mais qu’est-ce que … ?
LA BOUTEILLE : rrrrrrrr
L’ETOILE DE MER : Une bouteille en verre. Qui ronfle ! Comment est-elle arrivée là ?

L’étoile de mer s’approche en dandinant de la bouteille. Timidement, elle lui donne un coup de branche.

L’ETOILE DE MER : hum… Bonjour, Madame ? Monsieur ?
La BOUTEILLE, s’éveillant : Hein ? Où suis-je ?
L’ETOILE DE MER : Au fond de l’océan, cher Monsieur.
LA BOUTEILLE, vexée : Madame.
L’ETOILE DE MER : Pardonnez-moi, Madame la Bouteille.  Que faites-vous ici ?

SCENE 2

Entrent en scène un jeune crabe et une langoustine. 

LE CRABE ET LA LANGOUSTINE: Waaaa !
LA BOUTEILLE : Bonjour.
LE CRABE ET LA LANGOUSTINE, d’une seule voix : Bonjour !
L’ETOILE : Vous disiez, Madame la Bouteille ?
LE CRABE : Une bouteille ? Vous êtes un crustacé Madame ?
LA BOUTEILLE : Un crustacé ? Euh non, je suis seulement une bouteille en verre.
LA LANGOUSTINE : Quel drôle de chapeau vous avez là !
LA BOUTEILLE : C’est mon bouchon de liège, mademoiselle.
L’ETOILE DE MER : Donc, Madame la Bouteille en verre, comment vous êtes-vous retrouvée ainsi envasée, au fond de l’eau ?
LA BOUTEILLE : Mon bateau a coulé…C’est une longue histoire…

Le crabe, la langoustine et l’étoile s’installent pour écouter.
[…] 

ACTE II

Décor : La même petite plaine. L’eau est bleu foncé. Les algues s’agitent.

SCENE 1

La bouteille est seule en scène. Toujours envasée.

LA BOUTEILLE, dans tous ses états : Pourquoi ? Mais pourquoi suis-je allée leur raconter ces histoires ? Que dis-je… ces salades rocambolesques, tout droit sorties de mon imaginaire ? Pourquoi me suis-je emportée ainsi, laissant divaguer mon esprit ? Ô rage, ô désespoir ! Elle pleure. Le bateau de pirate, la cale, le prisonnier amoureux… le naufrage…. Le prisonnier qui écrit en hâte une missive pour sa bien-aimée… Snif…Elle se mouche. Et quel besoin d’aller préciser que cette princesse vit sur une île perdue de l’Océan Indien ! Elle se remémore ses propres paroles. « Je dois porter au plus vite ce message désespéré. Cette lettre d’amour me consume de l’intérieur. Il s’agit d’une mission de la plus haute importance mes amis. Aidez-moi à partir d’ici ! ». Ah ça, ils étaient impressionné ! La langoustine et l’étoile m’envient, c’est certain !

Apparaît discrètement le jeune crabe au fond de la scène. Lorsqu’il aperçoit la bouteille, il se cache derrière les algues.

Snif. Snif. Maintenant les voilà qu’ils organisent une soirée afin de me débouchonner. Pour que tout le peuple sous-marin puisse profiter de la lecture d’une magnifique lettre d’amour enflammée ! Tu parles !
Lorsqu’ils vont se rendre compte que j’ai tout inventé ! Ah…ils se riront bien de moi… La belle lettre ! Pffff… Mon romantisme me perdra !

SCENE 2

LE CRABE, se précipitant vers la bouteille, les pinces en l’air : Menteuse ! Espèce de menteuse !
LA BOUTEILLE, retrouvant sa dignité : Ah oui ? Je suis une menteuse ? Petit sac à pinces !
LE CRABE, hurlant : Je vais le dire à tout le monde ! Ah on va bien rire ce soir en lisant ta lettre !

[…]

ACTE III

 Décor : la bouteille a été libérée de la vase. Elle trône seule sur une estrade, encadrée d’un rideau d’algues. Un gros tire-bouchon rouillé repose près d’elle. L’eau est très sombre. La soirée va bientôt commencer. On entend au loin des bruits de pinces, de succion, de nageoires, et des éclats de rire. 

SCENE 1

LA BOUTEILLE, triste et résignée : Et voilà. C’est la fin. Dans quelques minutes, lumière sera faite sur mon infamie. Je pourrai alors m’enterrer dans la vase à tout jamais.

SCENE 2

Derrière le rideau d’algues, une grande ombre se forme.

LE POULPE, chuchotant : Psst.
LA BOUTEILLE, sursautant : Qui est-ce ?
LE POULPE, se glisse sur l’estrade élégamment : Je peux peut-être vous aider, Madame.
LA BOUTEILLE : M’aider ? Monsieur vous êtes bien aimable, mais vous ne pouvez rien pour moi.
LE POULPE : Le crabe m’a tout révélé. Je sais tout.
LA BOUTEILLE : Le sale morveux ! Mais qu’importe, bientôt tout le monde saura. Mon mensonge…
LE POULPE : … est réparable.  Il suffit de supprimer la preuve.
LA BOUTEILLE, réfléchissant : Vous voulez  dire…la lettre ?
LE POULPE : Tout à fait. Plus de lettre, plus de preuve. Le mystère restera entier. Et votre honneur sera sauf.
LA BOUTEILLE, reprenant espoir : Quelle merveilleuse idée, Monsieur le Poulpe ! Assombrie tout à coup.  Mais comment faire ?
LE POULPE, malicieux : Il suffit qu’au moment propice, j’éternue sur la lettre !  Mon encre se chargera de tout détruire.
LA BOUTEILLE : Et en échange ?
LE POULPE : La vérité. Je veux savoir ce que contient cette lettre. Mon esprit est tout simplement curieux. La vérité, pour le prix de votre honneur.
LA BOUTEILLE : Vous allez vous moquer.
LE POULPE : Rooo, mais non voyons ! Vous avez ma parole. Ensuite, une fois le papier détruit, vous pourrez tout recommencer.  Démarrer une nouvelle vie, ici, au fond de l’océan.   Vous verrez,  la vie y est douce parfois.

La bouteille hésite. Les bruits de la foule se rapprochent.

LA BOUTEILLE : Bon, c’est d’accord ! … Un silence. Gênée. Ma lettre. Hum. Je…Silence.Vous allez voir, elle n'a rien d'une lettre d'amour... La voici. Elle récite, très sérieusement. « Six œufs, un bouquet garni, une livre de farine, un lièvre entier… »

 [...]



 I want the truthhhh





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