jeudi 29 août 2013

Dans la tête d'un prof

D'un prof détesté au lycée. Adèle, je t'ai écoutée, je me suis vengée !
Alors oui c'est un peu caricatural, oui j'ai exagéré certains traits, oui c'est stéréotypé. Mais ça fait du bien. 




Journal de bord de M. Brèze, prof de sport


Septembre
Ai vu tous mes élèves. M’inspirent pas ces 2nde.
Et  je me tape encore les 1e L !!! Ras le bol ! Classe de filles, la plaie. Côté Term,  j’ai les S. Toujours sérieux les S1, ils se la pètent, j’y crois pas. Quelle classe de chiants ! Va falloir que je me mette à bosser mon prévisionnel. Cette année, ça va être carré, varié, construit et surtout,  é v o l u t i f. Une réelle progression.  


Novembre
Bon, ben on a fait que du cross avec toutes les classes. Pas de chance, il pleuvait tout le temps, ah ah ah ! Tant pis, ça leur fait les pieds. J’avoue, j’adore les voir glisser dans la boue !
Je suis plutôt sympa,  j’ai mis les petits 2nde au ping pong. Ils seront au chaud… J’ai gardé le principe des tables descendantes/montantes. Alors forcément, j’ai toujours les mêmes nuls dans les tables du bas ! Que c’est drôle de les voir stagner péniblement ! Je me régale, je me régale !

Janvier
J’avais dit que cette année ça allait être sérieux. Donc, qui dit sérieux, dit handball. Hé ouais. Pareil pour tout le monde. Filles, mecs, mixte, hop hop hop, on va pas s’emmerder à proposer 15 ateliers, je laisse ça aux collègues ! A l’ancienne, 2 chefs d’équipe qui choisissent leurs joueurs. Ça me fait toujours marrer de voir l’air gêné de ceux qui restent à la fin. Les Term (mecs bien sûr) sont bien dynamiques au final, c’est bon ça !!!

Mars
Les beaux jours reviennent, mais peu importe, hand again, ya que ça de vrai. Et puis après tout, pourquoi changer ? C’est très bien comme ça.

Mai
J’ai eu quelques remords. Je me suis dit, allez le hand, on va faire une pause. On va les changer un peu. Donc j’ai lâché les 2nde dehors, je les laisse se battre pour une petite course d’orientation (qu’ils se perdent tiens ça me fera des vacances !!!).  Les filles de la 1e L m’insupportent,  ça  jacasse,  ça fout rien… pfff…je les ai collées au foot. A part deux qui ont l’air d’apprécier, les autres font plutôt la gueule.

Juin
Pour les Term, oh ben … lancé de disque, avant le bac ça détend non ? Ou javelot, j’ai pas encore décidé. Sauf pour mes chouchous, ils pourront continuer le hand si ça leur dit.
En tout cas le bilan de cette année sera très positif pour bibi.







Je vous rassure, j'ai eu aussi de très bons profs de sport !
Et vous, vos profs détestés, c'était en quelle matière ? 

mardi 27 août 2013

Dans la tête d'un puceron

Merci Sandrine ;)




Amour estival


Sur sa branche, chaque jour il l'attend
Sous une rose blanche un peu fanée
Il fait les cent pas inlassablement

Les pétales filtrent un soleil doré
Les fleurs se penchent, amoureusement
Dans l'air du soir flotte un air de secret

Mon costume vert, va-t-elle l'aimer ?
Six pattes vont-elles la rebuter?
Il surveille le jardin en tremblant

Là il la voit, belle en robe d'été
Accourir au rosier, les mains gantées
Sur une fleur il saute vaillamment

Vifs, délicats, ses doigts ont ciselé
Un beau bouquet, le puceron caché
Dans sa rose sent son cœur s'emballer.





"un vers de terre amoureux d'une étoile" ?

samedi 24 août 2013

Dans la tête d'un homard

Merci Nico !



pstt, par ici petit




Le discours de bienvenue


8h30 Vendredi matin. Les premiers clients entrent dans le supermarché. Au rayon poissonnerie, le poissonnier prépare son étal. Dans l’aquarium, il déverse un jeune homard, fraîchement péché.
Ce dernier retrouve le contact de l’eau et cela le revigore soudain. Mais, très vite, il réalise qu’il n’a pas retrouvé l’océan. Autour de lui, des masses sombres sommeillent.  « Où suis-je donc ? » se demande-t-il, légèrement angoissé. Il croit distinguer une pince, quelques carapaces.  Son inquiétude grandit, lorsqu’une antenne le frôle. Le jeune homard fait volte-face, sur la défensive, prêt à se battre !
« Bonjour ».  Un autre homard, plus grand, se tient devant lui. « Et bienvenue ».

Quelques minutes plus tard, les deux homards se retrouvent dans un angle de l’aquarium, pour discuter à leur aise. Léon, le plus âgé, se tourne vers le nouveau venu :
« Tu vois, John, ici ça s’appelle un aquarium. Et ça, dit-il en cognant sa pince contre le verre de la paroi, c’est la limite de ta nouvelle vie. »
John déglutit avec difficulté : « Limite ? »
« Oui, nous sommes cloîtrés dans ce cube en verre, bien trop étroit pour nous tous, je te l’accorde ! »
« Nous tous ? » demande le jeune homard en regardant autour de lui, non sans inquiétude.
« Nous, les homards, et les tourteaux. Nous sommes tous ici pour être  achetés, par les clients, que tu vas bientôt découvrir. »
« Mais pour quoi faire ? » John panique un peu.
« Ecoute-moi, John. Calme-toi. Etre acheté est la dernière chose que tu vas souhaiter à partir de maintenant. Car, si tu es acheté,  tu te retrouveras dans une marmite d’eau bouillante et… tu finiras dans une assiette. »
«Non ! »  Le jeune homard sent le stress envahir toute sa carapace. « Mais ne peut-on rien faire ? S’enfuir ? Muer ? Se battre ? Creuser une galerie ?»
« Non. Enfin, pas grand-chose » répond Léon, stoïque.  Il époussette son bel abdomen bleu. « Et ici tu n’as ni sable ni vase pour creuser. »
« Pas grand-chose, mais quoi ? » insiste John.
 « Je ne veux pas te donner de faux espoir, petit.  Mais moi qui suis le homard le plus ancien de ces lieux, j’ai acquis quelques techniques, que je consens à  te livrer. Nécessaires à ta survie. » 

Léon bombe le torse : 
« Pour commencer, tu ne te lieras jamais avec les tourteaux. Ton intérêt étant que ce soit eux qui partent dans la marmite. De plus, ils nous cherchent souvent querelle, inutile de prendre le risque de te blesser.
Les autres homards sont sympas, mais ne t’attache pas trop. Ils peuvent partir d’un jour à l’autre. Et… ne tombe pas amoureux !!! Surtout pas ! John, ce point est capital ! Un chagrin d’amour dans ce contexte est synonyme de mort assurée.
Le principe de base pour survivre ici est simple. Se faire oublier. Se la jouer discret lorsque des clients viennent coller leurs gros yeux à la vitre. Ils font ça pour inspecter la marchandise. Ignore les gamins, ce sont les pires ! Prends alors un air triste et pitoyable, fais pendre tes pinces misérablement. Aie l’air malade ! Ainsi ils diront « Non, non pas celui-ci, mettez-moi plutôt un crabe. » Tu saisis ?
Ensuite, il y a autre chose.  Créer un lien avec le poissonnier. Si tu sais, le type qui t’a ramené là. Il nous nourrit tous les jours. C’est un peu le patron tu vois. Quand  il arrive, viens avec moi, et frétille devant lui. Genre tu es content de le voir. Avec le temps, j’ai su l’apprivoiser, je pense qu’il m’aime bien. Ce lien entre nous fait qu’il ne me livrera certainement pas au premier acheteur. »

« Mais, Léon, je ne vois pas le but de tout cela. Au final, tu finiras tes jours dans l’aquarium. »
« John, je te parle très sérieusement. Mon but est de retourner dans l’océan. Tenir bon jusqu’à ce que je sois devenu trop âgé pour être dégusté. A ce moment-là,  j’ai bon espoir que mon ami le poissonnier me rejettera à la mer.
« Waaa ! Ah oui je comprends mieux ! »
« Hé oui. Mais c’est un travail de tous les jours. Sois tenace. »
« Merci pour tous ces conseils.  Tu es un chic homard ! » John serre la pince de Léon.
« De rien John, n’oublie pas ces règles, et tu survivras longtemps, qui sait, peut-être un jour nous nous retrouverons ensemble dans les profondeurs sous-marines ! En attendant, bonne chance, et longue vie dans l’aquarium ! »



 

samedi 17 août 2013

Dans la tête d’une lettre de Scrabble



La déprime du H






Ben oui je déprime.
Parce que vous êtes un H ? Me demanderez-vous poliment. Oui, vous répondrai-je, mais je ne suis pas n’importe quel H. Je suis le H du scrabble. Et croyez-moi, c’est loin d’être la meilleure lettre ! 

Si vous jouez un tant soit peu à ce maudit jeu… vous devez parfaitement savoir combien de points je vaux, n’est-ce pas ? Oui ?
4 points, c’est exact.  4 très petits points misérables et méprisables.
Oh je vous entends déjà objecter que c’est toujours mieux que le L, le A, le R, le E, le O… qui n’ont qu’un seul point.
Ou le B, le  C ou le P, avec leurs 3 points.
Certes, mais, mais … les  8 points du J et du Q ? Hein ? Qu’en faites-vous ? Vous rendez-vous compte, le double de moi !

Je ne peux pas les supporter ! J et Q  sont des lettres dédaigneuses qui, en plus de valoir gros, sont uniques sur le plateau. Alors, quand monsieur J débarque, avec son biJou, son Joyeux, ou son maJor, tout fier,  auréolé de ses 8 points, je lutte pour ne pas quitter le jeu.
Nous, les H, nous sommes deux au scrabble. Et je peux vous dire que mon compère n’est pas non plus très épanoui. Mais au moins, nous nous comprenons :
« Pfff, t’as vu… Quilles, trop facile. »
« Ben oui, forcément qu’il va gagner, tiens, en mot compte triple en plus ! Le salaud ! »
Pendant que nous peinons au sein d’un pitoyable cHeveuil, ou Hutte.

Le A se plaint souvent d'être malmené, rabaissé. Je l’écoute, mais je lui rappelle que le A est utilisé assez souvent, (ils sont 9  !). Et qu’on l’entend lui au moins. Déjà que je ne sers pas tout le temps, on ne m’entend pas systématiquement!
Si si… voyez-vous-mêmes : aH ! oH ! Hi ! ouaH, Hue, ouH, Houx, Hibou, Heure… Génial !!!
Bon, d’accord, il y a :  cHat, cHien, cHou, cHute,  cHuintement, cHouette… mais là, on m’entend parce que la lettre C vient en renfort. Pfff… même pas capable de faire le boulot tout seul.

Je veux bien reconnaître qu’il existe des mots sympas avec un H, mais bon, il faut y songer : Herbacé, Hérésie, HermapHrodite, Halasse, Halbran, Hexoses, Hiatale, Haddock... Oh et puis on peut s’amuser à conjuguer le verbe Haïr aussi. Ou Hâler, Happer. Trop bien non ?

Bon vous voyez, c’est nul d’être un H. Certains collègues vous diront que je ne suis rien qu’un vieux jaloux complexé.
Mais au fond, soyons honnêtes : l’absence d’identité sonore forte, le peu de points, les mots minables, le mépris des autres lettres… voilà quoi. J’en ai marre. Je voudrais être un boss, je voudrais être un Z.  Ou un W. Enfin une lettre unique à 10 points, ça c’est la classe. Hé ouais. Pouvoir faire des Kiwi ou des Wagons, le rêve !



vendredi 16 août 2013

Dans la tête d'une vieille machine à écrire




Souvenirs d’une vieille machine à écrire



Aujourd’hui,  je suis vieille. Ma carcasse gît dans un grenier, au fond d’une malle, sous un tas de vieilles revues de mode. Derrière un rideau de velours déchiré. On peut dire que je suis bien cachée !

Au fond de ma malle, maintenant que j’ai tout mon temps, je me prends souvent à divaguer. Je me remémore mes jeunes années… 

Il y eut  une première guerre. Un colonel froid et moustachu. Des ordres, des mutations, des missions. C’était ennuyeux et stressant. Il faut dire que je débutais tout juste à l’époque, un rien m’impressionnait.

Les années folles…les cabarets, le jazz… Je me souviens avec émotion de ce jeune musicien qui écrivait  avec fougue de magnifiques textes, à n’importe quelle heure de la nuit. Secrètement, je l’aimais. C’était une période légère, insouciante et amusante ! Lorsqu’il m’a revendue, cela m’a déchiré le cœur. 

Par la suite, j’ai changé de propriétaire bien souvent. Je passais de main en main, vendue, revendue, prêtée et même donnée. Un maire, une secrétaire, un médecin, un homme politique…J’en oublie. Fouillis dans ma tête, tournis dans mes touches. Je travaillais sans cesse…J’étais si sérieuse, si empressée de bien faire.

La dactylographe était jolie. Je me souviens qu’entre deux courriers, elle glissait en rougissant une feuille sur laquelle elle laissait des mots d’amour s’envoler. Je n’aurais jamais trahi son secret.

Vint une seconde guerre. Mon souvenir est rayé de zones d’ombre. Peut-être ai-je préféré oublier certaines lettres, qui me semblaient obscures ? Des hommes sombres, en uniformes, tapaient rageusement des  convocations  auxquelles le bruit de mon chariot répondait, lugubrement.

Après la guerre, j’ai atterri dans une vente aux enchères. Je me sentais perdue, vulnérable. Un jeune garçon m’acheta pour une bouchée de pain. Il m’emporta à la campagne. Heureusement, les années qui suivirent furent douces et paisibles. Je ne travaillais presque pas. Quelques lettres formelles rien de plus. Ainsi libérée, j’ai pu librement soigner les blessures de ma mémoire, tout doucement.

Le temps a filé, le jeune garçon a grandi,  des enfants sont nés. Aujourd’hui, je sommeille dans le grenier de la ferme du garçon, devenu grand-père.
Parfois sa petite-fille vient jouer derrière le rideau de velours. Elle ouvre la malle tout doucement. Avec délicatesse, elle me sort, avec tendresse, elle me dépose au sol. Je suis un peu cassée, elle prend soin de moi. Puis, malicieuse, elle tape quelques mots pour écrire son histoire à elle. Je sors de l’oubli et nous pouvons alors rêver à deux. 




jeudi 8 août 2013

Dans la tête d'une bouteille à la mer



Extraits d’une pièce de théâtre  La Bouteille sous la mer

 

ACTE I

Décor : Fond de la mer. Sur le sable, une petite plaine entre des cailloux et bordée d’algues. L’eau est bleu turquoise.

SCENE 1

Une étoile de mer orange surgit en chantonnant. Elle aperçoit une bouteille en verre à demi enfoncée dans la vase. 

L’ETOILE DE MER : Tiens tiens… mais qu’est-ce que … ?
LA BOUTEILLE : rrrrrrrr
L’ETOILE DE MER : Une bouteille en verre. Qui ronfle ! Comment est-elle arrivée là ?

L’étoile de mer s’approche en dandinant de la bouteille. Timidement, elle lui donne un coup de branche.

L’ETOILE DE MER : hum… Bonjour, Madame ? Monsieur ?
La BOUTEILLE, s’éveillant : Hein ? Où suis-je ?
L’ETOILE DE MER : Au fond de l’océan, cher Monsieur.
LA BOUTEILLE, vexée : Madame.
L’ETOILE DE MER : Pardonnez-moi, Madame la Bouteille.  Que faites-vous ici ?

SCENE 2

Entrent en scène un jeune crabe et une langoustine. 

LE CRABE ET LA LANGOUSTINE: Waaaa !
LA BOUTEILLE : Bonjour.
LE CRABE ET LA LANGOUSTINE, d’une seule voix : Bonjour !
L’ETOILE : Vous disiez, Madame la Bouteille ?
LE CRABE : Une bouteille ? Vous êtes un crustacé Madame ?
LA BOUTEILLE : Un crustacé ? Euh non, je suis seulement une bouteille en verre.
LA LANGOUSTINE : Quel drôle de chapeau vous avez là !
LA BOUTEILLE : C’est mon bouchon de liège, mademoiselle.
L’ETOILE DE MER : Donc, Madame la Bouteille en verre, comment vous êtes-vous retrouvée ainsi envasée, au fond de l’eau ?
LA BOUTEILLE : Mon bateau a coulé…C’est une longue histoire…

Le crabe, la langoustine et l’étoile s’installent pour écouter.
[…] 

ACTE II

Décor : La même petite plaine. L’eau est bleu foncé. Les algues s’agitent.

SCENE 1

La bouteille est seule en scène. Toujours envasée.

LA BOUTEILLE, dans tous ses états : Pourquoi ? Mais pourquoi suis-je allée leur raconter ces histoires ? Que dis-je… ces salades rocambolesques, tout droit sorties de mon imaginaire ? Pourquoi me suis-je emportée ainsi, laissant divaguer mon esprit ? Ô rage, ô désespoir ! Elle pleure. Le bateau de pirate, la cale, le prisonnier amoureux… le naufrage…. Le prisonnier qui écrit en hâte une missive pour sa bien-aimée… Snif…Elle se mouche. Et quel besoin d’aller préciser que cette princesse vit sur une île perdue de l’Océan Indien ! Elle se remémore ses propres paroles. « Je dois porter au plus vite ce message désespéré. Cette lettre d’amour me consume de l’intérieur. Il s’agit d’une mission de la plus haute importance mes amis. Aidez-moi à partir d’ici ! ». Ah ça, ils étaient impressionné ! La langoustine et l’étoile m’envient, c’est certain !

Apparaît discrètement le jeune crabe au fond de la scène. Lorsqu’il aperçoit la bouteille, il se cache derrière les algues.

Snif. Snif. Maintenant les voilà qu’ils organisent une soirée afin de me débouchonner. Pour que tout le peuple sous-marin puisse profiter de la lecture d’une magnifique lettre d’amour enflammée ! Tu parles !
Lorsqu’ils vont se rendre compte que j’ai tout inventé ! Ah…ils se riront bien de moi… La belle lettre ! Pffff… Mon romantisme me perdra !

SCENE 2

LE CRABE, se précipitant vers la bouteille, les pinces en l’air : Menteuse ! Espèce de menteuse !
LA BOUTEILLE, retrouvant sa dignité : Ah oui ? Je suis une menteuse ? Petit sac à pinces !
LE CRABE, hurlant : Je vais le dire à tout le monde ! Ah on va bien rire ce soir en lisant ta lettre !

[…]

ACTE III

 Décor : la bouteille a été libérée de la vase. Elle trône seule sur une estrade, encadrée d’un rideau d’algues. Un gros tire-bouchon rouillé repose près d’elle. L’eau est très sombre. La soirée va bientôt commencer. On entend au loin des bruits de pinces, de succion, de nageoires, et des éclats de rire. 

SCENE 1

LA BOUTEILLE, triste et résignée : Et voilà. C’est la fin. Dans quelques minutes, lumière sera faite sur mon infamie. Je pourrai alors m’enterrer dans la vase à tout jamais.

SCENE 2

Derrière le rideau d’algues, une grande ombre se forme.

LE POULPE, chuchotant : Psst.
LA BOUTEILLE, sursautant : Qui est-ce ?
LE POULPE, se glisse sur l’estrade élégamment : Je peux peut-être vous aider, Madame.
LA BOUTEILLE : M’aider ? Monsieur vous êtes bien aimable, mais vous ne pouvez rien pour moi.
LE POULPE : Le crabe m’a tout révélé. Je sais tout.
LA BOUTEILLE : Le sale morveux ! Mais qu’importe, bientôt tout le monde saura. Mon mensonge…
LE POULPE : … est réparable.  Il suffit de supprimer la preuve.
LA BOUTEILLE, réfléchissant : Vous voulez  dire…la lettre ?
LE POULPE : Tout à fait. Plus de lettre, plus de preuve. Le mystère restera entier. Et votre honneur sera sauf.
LA BOUTEILLE, reprenant espoir : Quelle merveilleuse idée, Monsieur le Poulpe ! Assombrie tout à coup.  Mais comment faire ?
LE POULPE, malicieux : Il suffit qu’au moment propice, j’éternue sur la lettre !  Mon encre se chargera de tout détruire.
LA BOUTEILLE : Et en échange ?
LE POULPE : La vérité. Je veux savoir ce que contient cette lettre. Mon esprit est tout simplement curieux. La vérité, pour le prix de votre honneur.
LA BOUTEILLE : Vous allez vous moquer.
LE POULPE : Rooo, mais non voyons ! Vous avez ma parole. Ensuite, une fois le papier détruit, vous pourrez tout recommencer.  Démarrer une nouvelle vie, ici, au fond de l’océan.   Vous verrez,  la vie y est douce parfois.

La bouteille hésite. Les bruits de la foule se rapprochent.

LA BOUTEILLE : Bon, c’est d’accord ! … Un silence. Gênée. Ma lettre. Hum. Je…Silence.Vous allez voir, elle n'a rien d'une lettre d'amour... La voici. Elle récite, très sérieusement. « Six œufs, un bouquet garni, une livre de farine, un lièvre entier… »

 [...]



 I want the truthhhh