lundi 9 septembre 2013

Dans la tête d’un oreiller

Merci Chloé.








C’est l’histoire d’Arnold, un oreiller, bourré de plumes d’oie sauvage. Il travaillait dans un hôpital, au service réanimation, changeant régulièrement de chambre, de patient, de tête. 

Un jour, Arnold sortait tout juste de la blanchisserie (moment qu’il appréciait tout particulièrement), il se trouvait sur un lit tout frais, dans une chambre seule. Vide. Il en profitait pour se reposer, laisser divaguer ses pensées.
C’est alors que la porte s’ouvrit brutalement, et dans un grand brouhaha, on installa une toute jeune fille sur le lit. Le plus délicatement possible, on déposa sa tête sur Arnold. Puis d’un coup, la pièce se vida, le silence revint à nouveau.

Arnold retenait son souffle. Il était toujours timide au début d’une relation. Il préférait apprendre à connaître le patient, pour ensuite établir un lien. S’ils disposaient d’un certain temps bien sûr. Lorsque le malade restait quelques jours seulement, Arnold ne  s’attachait pas, il faisait juste son travail, consciencieusement.

La tête de la jeune fille, immobile, imprimait un poids très faible. Soudain, pris de panique, il se demanda si elle était en vie, il la sentait à peine. Se concentrant, au bout de quelques instants, l’oreiller perçut une respiration, légère comme une plume.

Petit à petit, Arnold découvrit la jeune fille. Il glanait des informations au hasard des conversations du personnel soignant. Il comprit ainsi qu’elle s’appelait Annia, qu’elle avait 15 ans, et qu’elle était dans le coma à cause d’un accident mystérieux. Tout cela le bouleversa, plus que d’habitude. Car Arnold était plutôt résistant aux malheurs des autres, le métier l’avait endurci. Mais cette fois, c’était différent, Il se sentait extrêmement responsable, Annia était si jeune ! 

Alors, au fil des jours, l’oreiller apprivoisa doucement la jeune fille.  Il essayait de lui alléger ses souvenirs, ou du moins, de les radoucir. Il tentait de lui murmurer à l’oreille des mots qui rassurent, des jolis mots, des mots d’espoir. Il lui parlait des arbres à la fenêtre, du concerto pour piano qui passait à la radio. Une fois, il sécha des larmes qui coulaient de ses yeux clos. Il caressait ses cheveux blonds, tous les soirs, tendrement. Il enrobait ses rêves de douceur, de réconfort. Il la consola pour lui redonner envie de vivre.

Les semaines défilèrent, et un matin, Arnold eut la joie de sentir Annia se réveiller enfin. Entendre sa voix, flutée, s’élever dans la chambre, la voir hésitante faire quelques pas, derrière un rideau de cheveux blonds… Ce furent des jours de grande émotion pour Arnold l’oreiller.  Lorsqu’Annia réclama un concert à la radio, il eut envie de la serrer dans ses bras. Mais il ne put qu’écouter la musique avec elle, profitant de ces derniers instants à deux. La dernière nuit avant le départ de la jeune fille, Arnold s’éventra doucement. Une plume brilla à la lueur de la lune. 

Annia se réveilla, une plume au creux des doigts, tandis que l’aide-soignante ramassait l’oreiller : 
" Tiens, il va avoir besoin d’un petit raccommodage celui-ci ! Bien dormi, jeune fille ? "
"Oui, merci. " répondit Annia.  Elle se rappela son rêve, dans lequel son oreiller jouait du piano au clair de lune...Un sourire aux lèvres, elle serra la plume dans sa main.





2 commentaires:

  1. Une bien jolie histoire, toute moelleuse !!!
    J'aime le style de ton écriture, tu livres ici sensations et émotions en un tour de passe-passe.
    Ca me donnerai matière à illustrer... ;-)
    Je suis ravie de suivre tes récits,
    A bientôt,
    Virginie
    http://virginiehuard.artblog.fr

    RépondreSupprimer
  2. Merci Virginie !!! Tu es adorable ! Mais quand tu veux pour illustrer un texte !;) avec plaisir !

    RépondreSupprimer